Dominique Delande

Dominique Delande

Souvenirs de la cérémonie du 11 octobre 2023

Liste des musiques

Interventions

Prise de parole : Sophie Cribier

Dominique a confié l'organisation de cette cérémonie à nos trois enfants, Élise, Colin et Perrine. Ceux-ci n'ont pas souhaité prendre la parole. Je souhaiterais donc brièvement évoquer les qualités de père de Dominique. Il a toujours été très présent et impliqué dans leur éducation, nous avons constamment co-éduqué les enfants, selon la terminologie en vogue. Non seulement durant nos plus de 10 000 jours de vie commune, celles et ceux qui connaissaient cette facette de Dominique sont habitués à cette unité (pour les autres cela fait pratiquement 28 ans). Je disais donc que nous avons co-éduqué non seulement pendant notre vie commune, mais aussi par la suite où nous avons maintenu la "vie de famille" autour des anniversaires de chacun et chacune et des fêtes de familles traditionnelles et continué à échanger autour de conseils et avis à prodiguer éventuellement à l'une ou à l'autre. En leur confiant la tache difficile de l'organisation de cette journée il a montré une fois de plus qu'il les considérait comme ses enfants certes, mais aussi comme les adultes qu'elles et il sont devenu•es et dont il était souvent si fier. Face à la dégradation rapide de l'état de santé de Dominique ces derniers mois, elles et il se sont encore plus rapproché•es et ont affronté la situation avec beaucoup de courage pour le confort et le réconfort de leur père…. Elles et il ont formé une équipe très soudée. Sans trop m'avancer, je pense qu'il serait à nouveau, comme je le suis, très fier d'elles et lui aujourd'hui.

Prise de parole : Nicolas Cherroret

La première fois que je rencontrai Dominique, ce fut en 2007. Alors doctorant travaillant sur les milieux complexes, je connaissais son œuvre scientifique dans ce domaine, et il était déjà pour moi un géant. Mes premiers échanges avec lui furent, de fait, intimidants. Alors que je me pensais expert de mon domaine, quelques questions affûtées de sa part pendant ma soutenance me prouvèrent le contraire, et me révélèrent un premier trait professionnel de Dominique : sa compréhension profonde de la physique, qui serait plus tard un modèle pour moi. Mon second contact avec lui eut lieu quelques années plus tard. Alors que j'expérimentais les affres de l'après-thèse, je reçus en cette fin d'hiver 2012 un appel. C'était Dominique, je me souviens très bien de ses paroles : "Dominique Delande à l'appareil", dit-il. "Bon, je ne suis pas censé te le dire... mais je m'en fiche ! J'ai vu ton dossier au concours du CNRS. J'ai un poste de post-doctorant dans mon équipe. Est-ce que cela t'intéresse ?" Je découvrais là le discours franc et anticonformiste de Dominique, qui ferait bientôt la saveur de nos échanges. Bien sûr, il ne me fallut que quelques minutes pour accepter son offre. Quelques semaines plus tard, je me retrouvai au sein de son groupe à Paris, pour démarrer une aventure qui allait durer plus de 11 ans. C'est pendant ces années que je découvris de nombreuses facettes du chercheur et de l'homme qu'il était. Un scientifique respecté, écouté, consulté. Pour des questions scientifiques, institutionnelles ou même personnelles qui semblaient inextricables, on allait le voir. De chaque problème discuté avec lui, il semblait toujours détenir la solution la meilleure, la plus rationnelle. On sortait de son bureau rasséréné, avec la conscience de notre chance de côtoyer un esprit aussi brillant. Lors de nos discussions, il désamorçait les difficultés qui ponctuent parfois la recherche, avec cet humour mordant qui le caractérisait, comme pour dire que finalement, tout cela n'était pas si important. Dominique était aussi un puits de culture. On apprenait sans cesse de ses anecdotes, de sa connaissance intime du monde de la recherche, dont il nous relatait les situations parfois ubuesques avec truculence. Ce qui caractérisait Dominique, enfin, c'était son attachement à son équipe, dont il fut le premier défenseur. S'élevant contre toute forme d'injustice, il soutenait les jeunes doctorants en toutes circonstances, et faisait confiance à ses collaborateurs. À mon arrivée au laboratoire, on m'avait averti que les échanges entre les jeunes chercheurs et leur chef d'équipe se compliquaient souvent au fil des années. Je réalise aujourd'hui combien, s'agissant de Dominique, cette affirmation était fausse. Aujourd'hui, tu n'es plus là Dominique. Mais je peux dire, au nom des collègues et amis qui se sont succédé dans ton équipe et ta vie scientifique, que tu as été pour eux un exemple, et bien plus encore : Lucile, Andreas, Benoît, Romain, Gabriel, Christian, Patrizia, Guillaume, Robin, Vincent, Kuba, Jean-Claude, moi-même et tant d'autres, nous te remercions pour tout ce que tu nous as apporté, pour la confiance que tu nous as accordée. Les échanges avec toi vont nous manquer, tu vas me manquer. Nous ne t'oublierons pas.

Prise de parole : Marcel Filoche

Je n’ai connu Dominique qu’assez tard dans sa carrière, même si je connaissais évidemment son nom. C’est Alain Aspect, Prix Nobel de physique 2022, qui m’a dit il y a environ quatre ans : « Tu devrais collaborer avec Dominique Delande, tu verras, c’est un type remarquable. » Cela a été le début d’une complicité scientifique croissante, qui s’est muée progressivement en respect réciproque, puis en affection. Travailler avec Dominique état un réel plaisir, mélange d’intensité scientifique et de plaisanteries. Je me souviendrai toujours son petit rire saccadé et nerveux quand nous en avions trouvé une bien bonne. C’était une joie et un immense honneur d’être son collaborateur. Il est très courant dans notre profession de ressentir le syndrome de l’imposteur. Nous sommes amenés à côtoyer tant de grands scientifiques, dont certains sont présents aujourd’hui parmi nous, qu’il est difficile de ne pas avoir la sensation d’occuper une place indue. Ce sentiment était encore plus fort en présence de Dominique. Il connaissait tout du domaine et, quoi que l’on dise, on avait l’impression de ne dire que des banalités. Mais c’était sans compter sur son incroyable sympathie et son écoute de l’autre. Par expérience, je sais qu’il est difficile pour la famille, les amis, de se faire une idée de la place qu’occupait un proche dans son monde professionnel. Celle de Dominique était grande. Permettez- moi de vous transmettre ces quelques mots d’Alain Aspect qui n’a malheureusement pas pu être des nôtres en ce jour : « Dominique était un physicien profond et talentueux. Il mettait son expertise hors du commun dans le domaine numérique au service des problèmes de physique les plus difficiles, et son sens physique lui permettait d’aller aux résultats les plus intéressants. Il a inspiré de nombreux étudiants. Il laissera sa trace dans la physique atomique moderne. » Dominique, c’est très dur de te dire adieu aujourd’hui. Tu vas manquer à beaucoup de monde, et personnellement, tu vas me manquer énormément.